Le TGV Est-Européen fête cette semaine son premier anniversaire.
Depuis sa mise en service commercial le 10 juin 2007, l’Est de la France est donc propulsé à 320 km/h dans l’ère de la grande vitesse nationale et européenne; et le succès ne s’est pas fait attendre : la SNCF a en effet annoncé que l’objectif des 11,5 millions de passagers annuels, initialement fixé pour 2010, serait sans doute atteint cette année (voir les 45 pages du dossier de presse de la SNCF ici). La liaison Nancy-Paris est d’ailleurs la plus prisée après Strasbourg-Paris.

Cette réalisation du TGV Est, longtemps attendue, plusieurs fois retardée et finalement réalisée grâce à la forte implication de certains de nos élus et au soutien financier des territoires desservis, s’avère donc être une réussite. Pour la Lorraine, c’est un réel succès pour les relations avec la capitale (+30%), mais tout n’est cependant pas encore parfait pour les relations dites « Province-Province » et les liaisons vers l’international..

Vandières : la gare intelligente qui tarde à se concrétiser

Si la SNCF explique le taux de remplissage des rames de l’Est vers les métropoles du Nord ou l’Atlantique via Roissy plus faible que celui des rames vers Paris-Est par le manque de notoriété de ces liaisons inter-secteurs, on peut aussi pour la Lorraine se poser la question de la pertinence de notre gare d’interconnexion installée pour l’instant à Louvigny.

En étant accessible uniquement par une A31 saturée par la route et n’étant reliée au reste de la région que par seulement deux navettes (l’une vers Nancy, l’autre vers Metz) qui ne bénéficient même pas de la tarification SNCF et qui imposent aux lorrains qui ne résident pas dans les deux métropoles une autre correspondance en gares de Nancy ou Metz (un habitant d’Epinal-Remiremont doit par exemple rejoindre Nancy en TER, attraper une navette à tarification spéciale pour rejoindre Lorraine-TGV à Louvigny pour enfin pouvoir se rendre en TGV vers Lille, Rennes, Bordeaux ou Francfort; il en est de même pour un thionvillois qui doit transiter par Metz), le choix d’implanter cette gare à Louvigny montre déjà ses limites.

La (re)localisation de la gare d’interconnexion à Vandières, promise par le Conseil Régional pour 2012, est donc indispensable pour l’optimisation de la diffusion de l’effet TGV sur toute la région.
Cette gare, située sur la ligne TER Metz-Nancy, aura l’avantage de supprimer les ruptures de charges dissuasives puisqu’elle sera desservie par des TER au départ de Luxembourg et à destination du sud lorrain irrigant Thionville, Metz, Pont à Mousson, Nancy et se dirigeant vers Lunéville/St Dié ou Epinal/Remiremont.
Cette connexion fer/fer permettra, en plus de réduire les temps de parcours depuis Nancy et Metz (à peine plus de 15 minutes pour rejoindre la gare TGV au lieu des 30 à 40 minutes aujourd’hui par la navette routière), d’assurer une continuité tarifaire SNCF. Ce détail a son importance pour le coût global du billet (déjà important, le TGV Est étant le TGV le plus cher) puisque les tarifs SNCF sont dégressifs -plus on va loin et moins on paye- : un spinalien paiera d’une traite son billet Epinal/Bordeaux au lieu de devoir sectionner Epinal/Nancy, Nancy/Gare TGV –navette à tarification spéciale- puis Gare TGV/Bordeaux par exemple.

Une dimension européenne encore peu présente en Lorraine

Le TGV Est c’est aussi une liaison à grande vitesse vers nos voisins européens : des rames relient quotidiennement Paris à Francfort, Stuttgart, Munich, Bâle ou Zurich. Or, en Lorraine, seulement les liaisons vers Francfort marquent un arrêt à Louvigny.
Pour gagner les villes suisses ou Munich/Stuttgart les lorrains doivent d’abord se rendre en TER jusqu’à Strasbourg ou Bâle pour pouvoir monter à bord des TGV internationaux…un comble quand on sait que toutes ces rames transitent à 320 km/h par la gare Lorraine-TGV, mais sans marquer l’arrêt !
La construction de la seconde phase du TGV entre la Moselle et les portes de Strasbourg dévoile alors ici tout son intérêt pour la Lorraine : elle est la condition sine qua non pour que les TGV internationaux desservent notre gare TGV. Sans elle, les temps de parcours sont encore trop importants entre les villes allemandes ou helvètes et Paris, et l’arrêt en gare Lorraine ferait perdre encore quelques-unes de ces minutes si précieuses dans les règles la grande vitesse ferroviaire.
Grâce à elle, les minutes gagnées sur la LGV (Ligne à Grande Vitesse) entre la Moselle et Strasbourg autoriseront des arrêts en gare Lorraine-TGV.

D’abord envisagée pour 2010, puis pour 2013, on se dirige désormais vers une mise en service aux alentours de 2015.
Mais tandis que le financement reste encore à boucler (le budget, considérable, doit tenir compte d’un long tunnel sous les Vosges à l’approche de Strasbourg), la Lorraine semble être le seul partenaire à tenir ses engagements aux côtés des alsaciens : les voisins champardennais et luxembourgeois ne souhaitent apparemment plus contribuer au financement de la suite du projet.. !

Le TGV, boosteur de déplacements, mais pas (encore) d’aménagements..

La mise en service du TGV, qui est désormais le mode le plus compétitif face à l’avion ou à la voiture (les lignes Air France depuis Metz-Nancy vers Orly et Roissy ont d’ailleurs fermées), a sensiblement impacté notre chaîne de déplacements.
Une nouvelle dynamique, tant à l’échelle interrégionale qu’à l’échelon local, est donc en train de se mettre en place. Ainsi, les gares, devenant les points centraux de cette nouvelle mobilité, ont fait l’objet de toutes les attentions. Superbement rénovées par RFF et la SNCF (la gare Thiers est méconnaissable), elles ont été ou doivent être transformées en véritables lieux d’intermodalité par les collectivités locales.

A Nancy, le projet se traduit par la construction du bâtiment République et des halles trains et tramways de part et d’autre du Pont Foch, où seront implantés commerces, services de location de voitures et de vélos et agences transports (réseaux urbain et interurbain).
D’abord prévue pour le début de l’année 2007 (soit quelques mois avant l’arrivée du TGV), puis pour l’été 2007 (soit en même temps que l’arrivée du TGV), la livraison de ces espaces intermodaux a été repoussée à l’été 2008.

Nous sommes en juin, et mis à part une « inauguration » des deux halles (vides) par le Grand Nancy quelques semaines avant les élections, rien n’a bougé : aucun commerce n’est encore ouvert, l’agence Bus-Tram est toujours installée dans ses locaux provisoires de la place de la République (ils ont même été rénovés !) et seulement quelques distributeurs de titres de transport ont été installés par la SNCF dans la halle des trains..!
Côté place Thiers, le projet de réaménagement semble lui aussi se concrètiser très lentement..Mais les cellules commerciales étant désormais toutes démontées, les travaux d’embellissement devraient pouvoir commencer..Du moins, on l’espère !

Dans l’Est, un TGV peut en cacher un autre..!

Si le succès du TGV Est est unanime, il ne faut pas cependant qu’il inhibe l’autre projet en cours de réalisation dans l’Est de la France : le TGV Rhin-Rhône-Méditerranée (voir ici sur le site de RFF).
Cette nouvelle Ligne a Grande Vitesse -dont les impressionnants travaux sont dores et déjà visibles en Franche-Comté- reliera Mulhouse à Dijon et autorisera la mise en service de liaisons TGV entre Strasbourg, Mulhouse et Besançon vers Lyon et la Méditerranée (Marseille et Nice d’un côté, Montpellier et Barcelone de l’autre).

Pourtant, en Lorraine, on n’entend très peu parler de cette nouvelle liaison qui va elle aussi impacter la mobilité sur le Grand Est : le trajet Strasbourg-Lyon devrait être réduit à 3h15, Mulhouse ne sera plus qu’à 1h10 de Dijon et Besançon à seulement 2h d’Avignon !
Le risque de voir ce TGV nous passer sous les pieds est important. D’ailleurs, à l’heure actuelle, le projet ignore complètement la Lorraine et aucune liaison n’est prévue au départ de notre région..
A l’horizon 2012 les lorrains devraient donc toujours se contenter des vieux (et lents) trains Corail vers Lyon (accessible en 5h depuis Nancy !) alors que nos voisins alsaciens et francomtois pourront sauter à bord d’un TGV en provenance de Francfort et à destination de Barcelone qui les déposera à Lyon en moins de 3h ou à Marseille en à peine 5h !

Si certains de nos élus lorrains ainsi que le Conseil Economique et Social de Lorraine ont dernièrement alerté les autres collectivités de l’intérêt d’un raccordement de la Lorraine à ce TGV (notamment par la modernisation et l’électrification de la ligne Epinal-Belfort), rien n’est pour le moment acquis. Simplement une association de lobbying, qui réunit des élus lorrains et nord-francomtois, a pour le moment été mise en place..

La Lorraine, si elle ne veut pas perdre son rang de territoire où se croisent des corridors européens Est-Ouest et Nord-Sud importants, doit être vigilante et se mobiliser.

En attendant, le TGV Est fête sa première année de succès. La SNCF propose d’ailleurs, pour l’occasion, 100 000 billets à 15€ valables sur tout le réseau TGV Est (c’est-à-dire de et vers l’Alsace, la Lorraine, la Champagne, l’Ile de France (Paris, aéroport de Roissy, parc Disney), Le nord (Lille) et l’Atlantique (Nantes, Rennes, Angers, Bordeaux, Futuroscope..)).
C’est par ici que ça se passe. Enjoy !