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Mise en accessibilité du réseau urbain : une politique à minima et complètement baclée

Les travaux de mise en accessibilité des lignes 171 et 172 sur les communes de l’Est de l’agglomération ont débutés à l’automne dernier et devaient durer quelques mois.
Ces aménagements, conséquents, imposent le rehaussement des arrêts et exigent aussi de repenser totalement la chaîne de déplacement tout autour, comme la révision de l’implantation du mobilier urbain ou l’accès sécurisé aux passages piétons par exemples.

Tous ces aménagements, complétés par la mise en service des nouveaux Citaro (voir photo), véhicules équipés de rampes d’accès pour permettre aux Personnes à Mobilité Réduite (PMR) de monter à bord (les premiers bus de ce type sur le réseau, Nancy n’est vraiment pas en avance sur ce point) devaient offrir aux usagers du 171 et du 172 le privilège de disposer des premières lignes dites « accessibles » du réseau nancéien « à l’orée 2008 ». C’est le guide Stan qui le dit.

Aujourd’hui, le 24 avril 2008, les travaux sont terminés et les Citaro circulent depuis plusieurs mois entre Essey et Seichamps/Pulnoy.
Pourtant, l’immonde affiche « Montée interdite aux PMR » (cf. ce billet) est toujours affreusement placardée aux arrêts de ces lignes, et les picto PMR ont été retirés des véhicules.

Difficile néanmoins de disposer des raisons officielles de ce retard. Aucune info sur le site officiel du réseau Stan, aucun communiqué de presse de la part de Connex ou de la Communauté urbaine, aucun article de l’Est Républicain..

Mais du côté d’AlloStan -le service de renseignements téléphoniques du réseau-, lorsqu’on pose la question, on invoque timidement une mise en service repoussée aux calendes grecques car l’aménagement des arrêts (réalisé par le Grand Nancy) et l’agencement intérieur des véhicules pour accueillir les PMR (repensé par le Grand Nancy) n’auraient pas été..homologués !

Si la raison évoquée par les agents de renseignements de Connex peut d’abord surprendre, elle n’est finalement pas si étonnante que cela.
A y regarder de plus prêt, Nancy a effectivement encore une fois voulu faire différent de ce qui se fait (pourtant bien) ailleurs..

En effet, alors que toutes les villes qui réaménagent leur voirie pour la rendre accessible construisent de vrais quais à 21 cm du sol pour offrir aux PMR un accès optimal au bus, avec bordures Kasselkerb inclinées non abrasives (cf. la 1ère photo, un arrêt grenoblois), le Grand Nancy a opté pour la solution minimaliste, c’est-à-dire un quai à 18 cm, le minimum imposé par la loi de Février 2005 qui exige cette mise en accessibilité, un banal réhaussement du trottoir finalement (cf. la 2nde photo, arrêt UFR Staps à Villers-lès-Nancy, comparé à Grenoble, 1ère photo).

A gauche, un quai haut et accessible à Echirolles dans la banlieue grenobloise; à droite un quai "accessible" du réseau Stan, à Villers-lès-Nancy © BoDiAbLe

Alors que dans toutes les villes –et même celles dont la montée par l’avant dans les véhicules est en vigueur comme chez nous-, les PMR montent et descendent par la porte du milieu, la seule équipée d’une palette amovible qui permet aux fauteuils roulant d’embarquer, Nancy a voulu « innover » en faisant installer une seconde rampe d’accès (dont le fonctionnement reste obscur, on parlait d’un actionnement manuel par le conducteur !) à l’avant du bus afin de ne pas « perturber » les règles de la montée par l’avant.
Ainsi, à Nancy, les PMR embarqueraient par la porte avant comme tous les usagers et quitteraient le véhicule par la porte du milieu. Niveau praticité (et donc rapidité pour se déplacer de l’avant jusqu’à l’emplacement aménagé au centre du bus et réservé aux fauteuils) on a vu mieux, d’autant que la loi impose au fauteuil d’être calé dos à la route..

Tout cela sans parler des aménagements au rabais, comme le long de la RN74 entre Essey et Seichamps où le Grand Nancy a construit des « demi-arrêts » accessibles, c’est-à-dire un rehaussement d’une longueur inférieure à celle du véhicule, compris seulement entre la porte avant et la porte du milieu. Du jamais vu !

A Nancy, en matière de transport, on le sait, on ne fait jamais comme ailleurs.

Il est d’ailleurs utile de rappeler que la ligne de tram nancéienne est la seule ligne de TCSP (Transport en Commun en Site Propre) en France à ne pas être entièrement accessible, les arrêts des sections non guidées sur Saint-Max et Vandoeuvre n’étant pas rehaussés.
En réalité, sur Saint-Max, ils ne disposent même pas d’un mobilier urbain digne d’une ligne tram, puisque les stations Saint-Livier, Carnot et Briand-Pasteur, si elles ne sont pas équipées que d’un banal potelet, ne disposent que d’un vulgaire abribus..

Le Grand Nancy n’en est pas à son premier couac en matière de mise en accessibilité.
Alors que la plupart des réseaux ont commencé à investir dans du matériel aux normes dès la fin des années 90, Nancy, probablement moins visionnaire, a continué à rogner sur les coûts en préférant acquérir des véhicules non-équipés jusqu’à ce que la loi de Février 2005 lui impose le contraire.
Du coup, tous les bus achetés et mis en service entre 2000 et 2006 (pas moins de 119 véhicules quand même) ne sont pas dotés de palette amovible. Seuls les 28 Citaro standard (= bus de 12 m) commandés en 2006 et qui circulent sur les lignes 123, 171 et 172 sont aux normes.
Pour compenser son erreur, le Grand Nancy a décidé fin 2007 de réaliser des travaux de réaménagement sur les 14 Citaro articulés (= bus de 18 m) acquis en 2005 et en service sur la ligne 138. Ainsi, entre 2008 et 2009, ces véhicules seront modifiés afin de les équiper de palettes amovibles. Coût de l’opération..112 000 € hors taxes !

Pire encore, ce manque de vision à long terme (et/ou ce souhait de rogner sur les coûts) contraint le Grand Nancy à revoir tout son plan d’acquisition et de renouvellement de véhicules, puisque la loi de Février 2005 impose aux agglomérations de disposer d’un réseau entièrement accessible en 2015.

Aussi, fin 2007, la Communauté urbaine a dû voter un plan pluri-annuel de renouvellement (prématuré) des véhicules pour la période 2008-2016 afin de disposer à terme, donc en 2015, d’un parc entièrement accessible.
Si les normes PMR avaient été dès le départ intégrées aux appels d’offres, ce renouvellement prématuré du parc n’aurait pas été nécessaire, ou du moins de façon moins conséquente..

Le 24 avril 2008, Nancy est donc la seule agglo française à disposer d’un tram partiellement accessible.
C’est aussi une des rares à ne proposer aucune ligne de bus régulière aux PMR, alors que Grenoble en offre 20 à ses usagers, Strasbourg une quinzaine, Metz 3, Orléans une dizaine, et que même des petits réseaux comme celui de Saint-Dié s’y sont mis !

Du côté de la Cugn et de Connex on rappelle souvent qu’il existe handiStan, le service de transport à la demande proposé aux handicapés; et que l’agglomération s’engage dans une démarche de mise en accessibilité à travers le Schéma directeur d’accessibilité des transports adopté en janvier dernier.

On peut néanmoins s’interroger sur l’équité d’un service comme handiStan, facturé plus cher que mobiStan le service à la demande classique (on en avait d’ailleurs parlé ici sur le forum), et on doit surtout rappeler que la démarche de mise en accessibilité arrive bien tard.
En fait, elle arrive au dernier moment, quand la loi sur l’égalité des chances l’impose…


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